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Qui aura la peau de l’ouvrier français ?



Vendredi 13 Décembre 2024 - 15:17

Depuis plusieurs années, les fermetures d’usines en France se multiplient, frappant des milliers de salariés et érodant le socle industriel du pays. En 2024, les annonces de redressements judiciaires, de liquidations ou de plans sociaux se sont intensifiées, touchant des secteurs clés comme l’automobile, la chimie ou encore la métallurgie.


Les fragilités structurelles de l’industrie française

La compétitivité industrielle française, souvent invoquée pour justifier des fermetures ou des délocalisations, souffre de maux récurrents. En 2023, le coût horaire moyen du travail dans l’industrie s’élevait à 40,4 euros en France, contre 37 euros en Allemagne et 33 euros en Italie, selon Eurostat. Ces écarts reflètent une fiscalité pesante : la France continue de collecter plus de 70 milliards d’euros annuels en impôts sur la production, un montant sans équivalent en Europe.

Les conséquences sont visibles : Renault, par exemple, a fermé plusieurs sites en France pour concentrer ses activités dans des pays où les charges sont moins lourdes. À cela s’ajoute une stagnation de la productivité : les investissements en recherche et développement (R&D) ne représentent que 2,2 % du PIB, bien en deçà de l’effort consenti par l’Allemagne (3,1 %). Ce sous-investissement freine l’innovation et réduit la capacité des entreprises françaises à monter en gamme.


Une transition écologique mal anticipée

La mutation vers une économie bas-carbone fragilise dangereusement les entreprises. Ainsi, dans la chimie, des normes environnementales de plus en plus strictes ont entraîné des fermetures, comme celle de l’usine chimique Arkema à Pierre-Bénite en 2023. La fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim en 2020 est également un exemple de ce que l’écologisme peut coûter au tissu industriel français. Alors que Fessenheim avait été refait à neuf, pouvait fonctionner encore plusieurs années et employait des CENTAINES DE PERSONNES, sa fermeture a obéi à un agenda politique. Aujourd’hui, de nombreux savoirs-faire dans le domaine de l’énergie nucléaire se perde et la France prend du retard dans un secteur où elle était en pointe il y a peu.
 

L’automobile, autre pilier de l’industrie, subit de plein fouet les retards français dans l’électrification. En 2024, moins de 10 % des batteries utilisées en France étaient produites sur le territoire national, la majorité provenant d’Asie. Ces lacunes stratégiques freinent la transition industrielle et laissent les ouvriers en première ligne des restructurations.


La spirale inflationniste et la hausse des coûts

L’inflation persistante depuis 2021 pèse lourdement sur les entreprises industrielles. En 2024, les coûts énergétiques avaient augmenté de 25 % par rapport à 2022, notamment pour des secteurs comme la sidérurgie et la production de verre, très énergivores. Parmi les victimes de la crise énergétique, on compte également toute l’industrie de la mode milieu de gamme. L’’électricité et le gaz sont d’importants postes de dépenses dans l’industrie du textile, notamment dans la fabrication. Ainsi, la crise énergétique a fait exploser le coût de production des vêtements. Les marques de milieu de gamme n’ayant pas pu répercuter l’intégralité de cette hausse sur leurs clients, un grand nombre d’entre elles met actuellement la clé sous la porte.
 

Les matières premières suivent la même tendance. Par exemple, le prix de l’aluminium, indispensable pour l’automobile et l’aéronautique, a bondi de 30 % depuis 2021. Ces hausses ne sont pas toujours répercutables sur les prix de vente, ce qui réduit les marges des entreprises et précipite leur faillite. À titre d’exemple, la verrerie Arc, située dans le Pas-de-Calais, a annoncé un plan de sauvegarde de l’emploi pour 1 600 salariés en raison de ces surcoûts.


Les ruptures des chaînes d’approvisionnement

Les tensions géopolitiques et la pandémie de COVID-19 ont perturbé durablement les chaînes d’approvisionnement. La dépendance de la France à des importations stratégiques, comme les semi-conducteurs, s’est révélée catastrophique pour des secteurs comme l’électronique et l’automobile. La guerre en Ukraine a également montré l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête d’entreprises qui ne maîtrisent pas l’ensemble de leur chaîne de production.
 

En Bretagne, la fermeture de l’usine de composants électroniques Métronic a mis en lumière cette dépendance. Les retards d’approvisionnement en provenance de Chine ont paralysé sa production, entraînant la suppression de 500 emplois. Ces fragilités remettent en question la capacité de l’industrie française à maintenir une autonomie stratégique.


Les failles de la politique industrielle européenne

La désunion économique au sein de l’Union européenne aggrave la situation. L’Allemagne, principal concurrent de la France, consacre deux fois plus de subventions publiques à ses industries stratégiques, notamment dans le secteur des batteries électriques. En 2024, 70 % des investissements européens dans ce domaine ont été dirigés vers l’Allemagne, laissant la France marginalisée.
 

À cela s’ajoute l’absence de mesures protectionnistes face au dumping pratiqué par des acteurs comme la Chine. En 2023, le coût des importations de panneaux solaires chinois a été inférieur de 30 % à celui des produits européens, écrasant les entreprises locales malgré leurs efforts d’adaptation.

Les entreprises françaises doivent aujourd’hui faire face à de nombreux adversaires, institutionnels ou économiques, étrangers, européens ou français. Dans cette lutte acharnée, beaucoup ne parviennent pas à rester compétitives, et doivent donc licencier en masse. Les ouvriers laissés sur le carreau peinent à retrouver du travail et les faillites participent au déclassement de la France.



Nicolas Egon

Tags : France, ouvrier






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